Paratexte
Journal de documentation.
 

 


150 ans de présence Française en Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie est un territiore français depuis 150 ans. Retour sur une histoire parfois difficille entre le peuple originel de l’archipel, les Kanaks, et les descendants de colons, les Caldoches.

La France colonise la Nouvelle-Calédonie
Au milieu du XIXème siècle, le gouvernement impérial de Napoléon III, cherche une terre pour y installer un bagne. En colonisant l’Australie pour y envoyer ses prisonniers cultiver les terres, l’Angleterre montre la voie. La France espère développer son Empire à bon compte en imitant cette rivale toute puissante.

Napoléon III donne l’ordre à plusieurs navires de guerre de prendre possession de la Nouvelle-Calédonie. A son service, l’amiral Febvrier-Despointes débarque le 24 septembre 1853, à l’extrême nord de la Grande Terre, à Balade, sur la colline Umbeip. Rassuré par l’absence de résistance des populations kanaks, il laisse le soin à son capitaine de vaisseau, Tardy de Montravel, d’investir la totalité de l’île. Quelques années plus tard, les 43 colons répartis sur 850 hectares, lui donnent un statut. La Nouvelle-Calédonie est déclarée colonie française en 1860 et les indigènes deviennent alors des sujets de l’Empire, après avoir vaillamment résistés aux militaires français.

Les explorateurs
Avant la France, certains explorateurs s’étaient aventurés sur l’île. De célèbres navigateurs eurent l’occasion de la traverser comme Lapérouse en 1778, ou d’Entrecastaux, qui entreprit l’exploration de la Grande Terre en 1792. Il y eu également de nombreux chasseurs de main-d’œuvre australiens, surnommés les Blackbirders, qui en profitèrent pour se livrer au trafique de baleine et de bois de santal.

Les missionnaires chrétiens tentèrent, quant à eux, de convertir les peuples indigènes. Mais, souvent ignorants des Cultures et des langues locales, ils rencontraient des difficultés dans leur mission. Quant aux Kanaks, ils se révoltaient régulièrement face à la menace d’une évangélisation forcée.

Un peuple, une Terre
Lorsque les navires français débarquent sur la Grande Terre, 50.000 Mélanésiens peuplent l’île depuis plus de trois mille ans. La couleur ébène de leur peau trouve ses origines en Nouvelle-Guinée, en Australie et en Polynésie. Pour cette raison, les premiers missionnaires les surnomment péjorativement « Canaques », un mot local qui signifie « animal-terre ».

Sur les six îles principales qui composent l’archipel, la plupart des villages sont développés autour de l’horticulture classique, à proximité des zones littorales, et de l’horticulture sur brûlis dans les vallées et les montagnes.

Une Culture vieille de 2000 ans
En deux millénaires, cette population mêlée s’est répartit en 28 petits territoires aux coutumes et langages différents. Si cet ensemble de rites et les systèmes d’échanges variés contribuent à une relative unité culturelle parmi les Kanaks, leur mode de vie apparaît alors impénétrable aux colons.

Première colonisation, premières résistances
C’est en chassant les clans de leurs terres pour y créer de grandes exploitations que les colons se heurtent aux premières résistances kanakes. Dès 1855, le grand chef, Felipe Bouéon, rallie de nombreux clans à la révolte, mais périt face à la répression de l’administration coloniale. A Port de France, qui plus tard deviendra Nouméa, l’insurrection débute en 1856.

D’août à septembre, les positions françaises -missions catholiques et postes militaires- sont régulièrement attaqués et incendiés. Là encore, la résistance est vaincue, des villages sont brûlés, des plantations détruites et les meneurs poursuivis sans relâche.

« La Terre n’appartient pas à l’Homme »
Dans cette colonisation, la terre est l’enjeu majeur pour les colons comme pour les Kanaks. Les premiers veulent cultiver de grands domaines, agrandir leur pays, les seconds défendent la terre de leurs ancêtres et un mode d’existence ancestral, car le système de représentation n’est pas le même.

La Terre, source de vie
Dans le monde mélanésien, l’Homme n’est pas le maître. La terre ne lui appartient pas, elle est source de vie. Chaque Kanak se considère comme le fils d’un arbre, d’un rocher, d’une tortue ou d’une pierre.

Les éléments de la nature font partie de lui. Pour exemple, le gros bois de l’arbre représente le corps de l’homme tandis que l’écorce en est la peau. L’igname et le taro ne sont pas seulement considérés comme des plantes tropicales, à la base de la plupart des plats kanaks, mais aussi comme les symboles de la continuité de l’espèce chez les hommes et de la fécondation chez les femmes.

Les rites de la vie
Ce respect de la terre se traduit par une grande variété de rites qui célèbrent la vie, les saisons et le soleil, le vent et l’eau.

La terre est une religion mais aussi une histoire, celle de l’identité kanak. Chaque clan a inscrit son humanité dans la terre. Dans la conscience kanake, les sols ne peuvent jamais être vendus, ils sont transmis par le père de génération en génération.

La terre désigne aussi le lieu de repos des ancêtres. Les mythes et les légendes se construisent autour de ce lien indéfectible.

La violence des colons
Niant totalement cette réalité, la politique de l’administration française se fait plus offensive à partir de 1870, époque à laquelle elle entreprend une colonisation disséminée depuis Nouméa jusqu’ à Poya, du sud à l’ouest de la Grande-Terre.

A diverses reprises, l’armée chasse purement et simplement les Kanaks de leurs terres et de leurs villages pour les attribuer aux bagnards libérés et autres colons. Ces méthodes brutales provoquent alors une révolte générale qui durera sept mois en 1878. Attaï, grand chef de Komalé, devient l’âme et le symbole de tous les insurgés dont la lutte échoue dans un bain de sang. 5% de la population kanak disparaît alors sous les balles des colons.

Le nickel
Mais, au problème de la Terre, s’ajoute celui du nickel et la situation se complique pour les Kanaks. Le nickel est un minerai précieux et la Calédonie en regorge. C’est à Nouméa que la première usine de fusion est construite par les Français, en 1878.

L’immigration
L’administration encourage également la migration de populations chinoises, indonésiennes et japonaises, afin de pouvoir faire travailler une main-d’œuvre peu exigeante. Se développe alors une croissance importante et des villes comme Farino, Négropo ou Sarraméa émergent dans le paysage sauvage de l’île.

Fort de ces nouvelles sources de richesses, auxquelles s’ajoute également la culture du café, le gouverneur Feuillet supprime le bagne, tandis que les Kanaks se voient systématiquement parqués dans des réserves indigènes.

Un combat sans fin
Durant le premier quart de ce siècle, la condition des autochtones ne change pas. Pire, elle s’institutionnalise.

Les guerres mondiales
A partir de 1916, en pleine guerre mondiale, l’armée française, avec l’aide de quelques chefs locaux, incorpore 2170 tirailleurs kanaks au bataillon du Pacifique. Plus de la moitié d’entre eux meurt au front. Durant la seconde guerre mondiale, les alliés américains utilisent l’île pour reconquérir le Pacifique. Cependant, bien que l’on assiste au retour de la paix sur la scène internationale, le pays souffre de tensions qui opposent les Caldoches aux Kanaks.

Ces deux populations défendent des intérêts différents et les tensions se font de plus en plus palpables. Les loyalistes, tels qu’ils se définissent eux, mêmes, désirent rester attachés à la France tandis que les indépendantistes revendiquent une « Kanaky » libre, débarrassée des colons.

L’état d’urgence de 1984
Les Kanaks exigent leur retour à la Terre des ancêtres. Face à ces revendications, l’Etat joue le statut-quo. Cette division aboutit à des affrontements de rue de plus en plus violents chaque année. Létat d’urgence est décrété en 1984.

La crise entre l’Etat français et les indépendantistes s’accentue et, au printemps 1988, une poignée d’indépendantistes prennent 27 gendarmes en otage sur l’île d’Ouvéa. Echec encore, qui se solde par la mort de quatre gendarmes, deux militaires et dix-neuf indépendantistes. Cet événement marque profondément les esprits et les Kanaks assassinés deviennent l’emblème d’un combat sans fin.

L’assassinat de Jean-Marie Tjibaou
La tragédie kanake se poursuit avec l’assassinat du leader charismatique de la lutte de libération, Jean-Marie Tjibaou. Le meurtrier, membre de la communauté mélanésienne, signifie par cet acte qu’il refuse la voie de la négociation entreprise par Jean-Marie Tjibaou.

Les accords Matignon
Pourtant, les négociations continuent. Elles donneront naissance aux Accords de Matignon signés le le 26 juin 1988. Ces accords garantissent l’existence d’un gouvernement Calédonien, mais l’Etat français y conserve la plupart des compétences. Parmi elles, la justice, la fonction publique, la monnaie et l’armée.

Au delà de la représentation politique, l’identité kanake se voit officiellement reconnue tandis que les acteurs du secteur économique et social s’engagent à les intégrer à son développement, notamment grâce à la formation. Quant au combat pour l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie, il semble stagner.

Exploitation des minerais
L’exploitation des sols calédoniens, avec l’extraction massive du nickel et la pauvreté croissante des Kanaks spoliées de leur terres, persiste. Des efforts ont pourtant été consentis pour permettre aux Kanaks de disposer, eux aussi, d’une partie des exploitations de Nickel.

Dans ces circonstances, la commémoration de la prise de possession de l’île par la France, il y a plus d’un siècle, renvoie inévitablement aux clivages qui divisent encore aujourd’hui, Caldoches et Kanaks.

Les Accords de Nouméa
Le préambule de l’accord de Nouméa traduit pleinement les revendications Kanaques ainsi que les perspectives d’une paix possible entre les différentes communautés. On peut y lire notamment : " La colonisation a porté atteinte à la dignité du peuple kanak qu’elle a privé de son identité.

Une identité confisquée
Des hommes et des femmes ont perdu dans cette confrontation leur vie ou leurs raisons de vivre. De grandes souffrances en ont résultées. Il convient de faire mémoire de ces moments difficiles, de reconnaître les fautes, de restituer au peuple kanak son identité confisquée, ce qui équivaut pour lui à une reconnaissance de sa souveraineté, préalable à la fondation d’une nouvelle souveraineté, partagée dans un destin commun.

La décolonisation apparaît aujourd’hui comme le moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie, en permettant au peuple kanak d’établir avec la France des relations nouvelles correspondant aux réalités de notre temps.

Quant au Conseil national des droits du peuple autochtone de Nouvelle-Calédonie il déclarait lui aussi le 23 août 2002 : "Son droit sur l’espace et le patrimoine naturel de Kanaky (Nouvelle-Calédonie)".

Timothy Mirthil le 26 septembre 2003